Lors de mes récentes supervisions de stage d'étudiantes sages-femmes, j'ai assisté à un accouchement particulièrement violent pour la maman et le bébé.
Prise de pouvoir sur le corps de la femme
Dans le premier cas, une maman enceinte à terme de son premier bébé arrive à dilatation complète. Elle souhaite une péridurale et, comme la tête du bébé est encore haute, la sage-femme appelle l'anesthésiste.
Jusque là, tout va bien. Sauf que l'anesthésiste lui fait une dose "béton", tellement forte que les contractions s'arrêtent totalement.
La sage-femme décide alors de rompre la poche des eaux pour restimuler le travail et place une perfusion d'ocytocine pour relancer les contractions.
Nous sommes face à la théorie des dominos : "Quand on commence à intervenir dans un processus naturel, on amorce une escalade d'interventions" en allusion au premier domino qui vacille et fait tomber tous les suivants.
Cette femme a tout eu sauf l'accouchement respecté auquel elle et son bébé avaient droit.
L'escalade dans les interventions
Sa gynécologue arrive rapidement et pressée qu'elle accouche avant de commencer son programme opératoire, elle enfile ses gants et :
-
la fait pousser avant qu'elle n'en ait l'envie et que ce soit judicieux,
-
met une ventouse sur la tête du bébé,
-
demande à la sage-femme de faire un Kristeller (je n'avais jamais vu appuyer sur le bébé dans le ventre avec une alèse
attachée d'un côté de la table d'accouchement, la sage-femme pendue de tout son poids de l'autre côté, quelle violence !),
-
incise le périnée, tout souple d'ailleurs, avec un cutter pour créer une brèche en direction de l'anus (normalement on
fait une incision dite "épisiotomie" vers le côté pour éviter justement que çà ne se déchire vers l'anus),
- termine par une délivrance manuelle du placenta dans la minute qui a suivi la naissance et qui n'était justifiée par aucune perte de sang.
Alors que cette parturiente avait été stoïque jusque là, elle
supplie la gynécologue d'arrêter de lui faire mal. Elle continue à rentrer et sortir sa main dans le vagin sans en tenir compte.
Le bébé est né complètement choqué, alors que son rythme cardiaque avant tout cela ne marquait aucune souffrance.
C'était d'une violence indescriptible. Mon étudiante et moi-même étions sous le choc.
La sage-femme a aucun moment ne s'est manifestée contre ces interventions.
Comment ne plus en arriver à assister impuissante à ces faits ?
Comment réagir en tant que sage-femme ?
Il me semble important de conscientiser combien notre travail peut avoir un impact important sur la naissance tant en positif qu'en négatif.
Nous le savons toutes quand les gens nous remercient.
Mais nous oublions souvent parce que nous n'arrivons pas à jouer pleinement notre rôle spécifique d'être gardienne de l'eutocie. Vu notre charge de travail, nous ne prenons plus le temps de nous
arrêter pour prendre conscience de ce qui se joue vraiment dans cet accouchement
C'est le cas ici, il n'y a pas à se cacher derrière "mais c'est le gynéco qui a fait tout çà" moi j'étais pas d'accord.
- Alors à quel moment appeler le gynéco ?
- Comment lui communiquer la situation de la parturiente ?
- Comment influencer les interventions ?
- C'est quoi être "gardienne de l'eutocie" ?
Pour en savoir plus :
- Coaching en estime de soi par Béné
- Plate-forme pour une Naissance Respectée www.naissancerespectee.be
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Cynthia (vendredi, 24 avril 2015 14:24)
Quelle horreur que tu dépictes ici, Bénédicte, mais tellement vrai. C'est suite à trois (!) stages en bloc d'acc de cette sorte lors de mes études que j'ai décidé de ne pas travailler à l'hôpital. Lors du tout dernier stage, j'ai assisté à une naissance traumatique telle que celle que tu as décrite et le bébé est né inanimé et blanc. Ils étaient tellement dans leur trip interventionniste inutile qu'ils avaient oublié de prévenir le pédiatre et la sf ne trouvait pas d'emblée les bons gestes pour réanimer bébé... Pfff, l'horreur. Heureusement que le pédiatre est arrivé en catastrophe et a pu reprendre les choses en mains et le bébé a pu être sauvé. Quel traumatisme...
Lors de mon tout premier stage en salle d'acc, j'ai assisté à un accouchement catastrophique (idem, pas de pédiatre prévenu, mais heureusement que bébé était bien) avec épisio grande comme ma main, suturée à la va-vite (tu vois, avec des bourrelets de chair entre les points de suture) et un filet de sang qui continuait à perler. Le gynéco, satisfait de son travail, sort de la salle et, à peine deux minutes plus tard, la maman faisait un choc hypovolémique. On la sauvée in extremis. Plus tard, en pp, je ne te dis pas la taille de l'hématome qu'elle avait, l'impossibilité de s'asseoir, l'Hb dans les chaussettes, le nombre de poches de sang qu'elle a dû se faire transfuser et l'AM qui a foiré. Ce jour-là, j'ai failli arrêter mes études. Je ne l'ai pas fait, mais j'ai arrêté ce stage.
Terminons cependant par une note positive : j'ai vu beaucoup de gynés compatissants et respectueux de maman et bébé. Merci à elles et eux.
Marion Delforge (vendredi, 24 avril 2015 23:10)
j'ai mal au ventre, envie de vomir rien qu'à vous lire...
Comme cela doit être extra pénible pour les sages femmes qui doivent travailler en milieu hospitalier.
je le savais, j'en avais entendu parler par des amies sages- femmes, mais à la loupe cela devient vraiment insoutenable...! (je dirais +intolérable !)
Le film LOBA de l'ostéopathe Catherine Béchard parle de cette violence tout en revendiquant "la douceur, l'écoute ...un monde cohérent... http://lobafilm.com/fr/
En tournée en belgique l'automne dernier pour présenter le trailer du film cela a succité de magnifiques débats - rencontres ... Il est temps de montrer ce film à un large public et elle veut le présenter dans des salles de cinéma. Si vous lisez ce message (peut importe la région ou la ville) que vous vous sentez l'envie de l'accueillir, d'organiser, je vous assure 1 belle expérience - c'est un magnifique porte parole engagée sur le sujet ! Et si vous désirez que l'on coordonne des initiatives pour sa venue en Belgique, voici mon mail: mariondelforge@skynet.be